TEXTE INÉDIT DE KEN BUGUL, ÉCRIVAINE: MARRAINE DE LA RÉSIDENCE D’ÉCRITURE #INTERSECTIONS DU CINEFEMFEST 2024: LA FABRIQUE D’UN GENRE NOUVEAU (VERSION LONGUE À PARAÎTRE)

La fabrique d’un genre nouveau dans l’oeuvre de Ken Bugul 

En fait, ce n’est pas son œuvre qui a créé un genre nouveau. C’est plutôt sa vie qui a créé un genre nouveau. N’ayant pas souvenir d’une enfance dans un lieu ou un espace précis, d’une famille composée d’une mère et d’un père, de frères et ou de soeurs, même pas en images n’ayant pris conscience de son être qu’au départ de la source et qui a occasionné une souffrance indicible qui déterminera plus tard, ce que ce personnage est devenu, comment il a évolué vers ce qui peut être un genre nouveau. Un manque de souvenirs, d’attaches, de conditionnement, d’orientation, de filiation ou d’affiliation, de rattachement, d’appartenance, ce manque l’a obligé pour la survie, de se fabriquer un personnage pour exister. Au fur et à mesure du processus d’isolement, de marginalisation, de rupture, il n’ y avait pas de construction, de fabrication, de manipulation, des facteurs qui pourraient ou qui auraient pu engendrer un individu à intégrer dans une catégorisation. C’est ce qui, dans la démarche de survie collective, nécessite une définition d’un genre. Dans l’œuvre essentiellement autobiographique de Ken Bugul, jusque dans ses œuvres fictionnalisées ou de fiction, c’est un individu détaché et ou arraché à la source, qui dans sa profonde solitude, cherche à exister par tous les moyens. L’écriture a fait ressortir un genre, différent, non catégorisé, et qui lui a permis d’accepter son sort et de s’accepter, dans un genre qu’on peut appeler neutre. Ce n’est pas le neutre qui concerne un être déjà socialisé, mais un individu asocial. C’est l’écriture qui a permis à Ken Bugul de sortir très vite de ses troubles et de son errance métaphysique, quant à son genre qui n’a pas été forgé par une éducation, une transmission, qui n’a pas été assigné à une mission, à un rôle. C’est un individu qui n’a pas de milieu et est hors d’un groupe déterminant. Et comme un satellite tourne, son individualité est sans ancrage. La prise de conscience de cette neutralité a forgé le personnage de Ken Bugul qui n’a plus de couleur, de sexe, d’appartenance. qui peut explorer toutes les opportunités, sans s’en approprier, et elles sont infinies. C’est cette neutralité qui est à la base de sa réputation d’être un être paradoxal, contradictoire, tout ce qu’on attribue à un être différent, un être inacceptable dans le groupe mis en place, mais pour Ken Bugul, c’est le sens que son individualité donne à la liberté qui n’est d’autre qu’un genre neutre, genre difficile à faire admettre, mais qui est à la base de sa vie et de son oeuvre. Ken L’individu Bugul est de plus en plus persuadé, que la vie n’est pas une question d’honneur, mais une question de courage. Cela pourrait faire éviter à l’humanité toutes ses souffrances inutiles. Et tout cela elle le doit à l’écriture

Ken Bugul

Version longue à paraître dans la publication du Festival CINEFEMFEST 2024.

Lien de l’entretien vidéo avec Ken Bugul, égérie du festival CINEFEMFEST 2024 

Entretien: 30 Minutes avec Ken Bugul, Écrivaine et Egérie du festival CINEFEMFEST

Biographie

Ken Bugul, de son vrai nom Mariètou MBAYE, est née au Sénégal. En 1982, avec son autobiographie romancée, Le Baobab Fou, elle fait une entrée remarquée dans la littérature. Ancienne fonctionnaire internationale, spécialisée dans les questions de planification familiale et de développement, elle a vécu et voyagé dans plusieurs pays d’Afrique et du reste du monde. A ce jour, Ken Bugul compte à son actif onze romans dont certains sont traduits dans plusieurs langues. 

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